vendredi 30 octobre 2015
mercredi 28 octobre 2015
mercredi 21 octobre 2015
Extrait du livre " Le Restavek : L'enfant esclave"
"il y avait là ,un menu complet et quelques friandises. Ce gamin avait vraiment la
fringale. J'avais une certaine allégresse de le voir ingurgiter toutes ces petites
saveurs jusque-là inconnues ou oubliées pour lui. Après s'être repu de toutes
ces bonnes choses, il se tapota le ventre en souriant, c'était le signe qu'il ne
pouvait plus rien avaler. Je profitais de ce moment pour lui poser quelques
questions comme, où se trouvaient ses parents par exemple? Par le biais de
Josétta, Il disait que sa mère vivait à Saint-Marc, une grande ville qui se
trouvait très très loin. -"Tu n'as pas de papa"? -"Non je ne connais pas mon
vrai papa, mais un autre papa (autre homme) vivait avec ma maman la
dernière fois quand je suis parti", disait-il non sans amertume. J'essayais de
comprendre pourquoi il avait laissé la maison de sa maman, pour venir vivre
chez cette méchante femme qui ne l'aimait pas. Josétta, notre traductrice d'un
jour, me racontait que certains parents étaient trop pauvres pour s'occuper de
leurs jeunes enfants. Alors ils les confiaient ou les vendaient à des gens sans
scrupules qui promettaient une vie meilleure à ces gamins. Donc, le petit
Dionel faisait malheureusement parti de ce lot. Le petit avait repris la parole
nous disait : " Mon autre papa ne m'aimait pas, il me donnait des coups, il était
très méchant avec nous, mes petites soeurs et moi". -" Tu as donc aussi des
petites soeurs? Et pourquoi était-il si méchant"? (En voulant savoir plus).
Toujours traduit par mon amie Josétta, il me disait que sa maman devait sortir
pour aller vendre ses légumes dans la ville, pour gagner un peu d'argent. Alors
tout naturellement, elle les laissait en compagnie de leur beau-père. Ce dernier
ne les aimait pas, parce que non seulement ils n'étaient pas ses enfants
légitimes, mais il les détestait parce qu'ils prenaient toute la place et toute
l'attention de leur maman dans la maison. Il leur disait pleins de bêtises, il
tirait les cheveux de ses petites soeurs, leur donnait des coups de pied comme
l'on faisait pour les chiens. Après il leur interdisait de pleurer, sous prétexte
que ça l'agaçait. Un jour, sans le faire exprès, il avait fait tomber le paquet de
cigarettes du beau-père dans un récipient d'eau qui se trouvait à côté. Alors ce
monsieur dans un accès de colère, l'avait attrappé et lui avait serré le cou
jusqu'à en avoir failli perdre connaissance Les filles s'étaient mises à crier et
faisaient bloc ( peut-être par instinct ) pour défendre leur grand frère, ce qui
l'obligeait à lâcher prise. Ensuite je lui posais la question pour savoir ce
qu'avait fait sa mère pour régler ce problème. Grâce aux explications de
Josétta, j'avais compris que sa mère ne pouvait pas se permettre de perdre à
nouveau un autre homme, parce qu'elle refusait de finir sa vie encore plus
misérablement. Aussi, elle ne voulait vivre toute seule, sans homme à la
maison. Le destin avait voulu que sa mère se rende à un atelier de couture chez
l'une de ses voisines. Cet atelier était dirigé par des femmes bénévoles
surnommées "lé femm' djam'm" (les femmes actives) qui sortaient la plupart
d'entre elles, de la ville de Port-au Prince, pour encadrer les rares femmes
volontaires de Saint-Marc et ses environs. Edwige la mère de Marco était de la
partie aussi. Elle avait tout simplement accompagné une amie, histoire de
retourner sur les mornes de cette grande ville où elle avait passer sa plus
tendre enfance. La mère du petit Dionel était ravie de revoir cette amie qui
était partie vivre à 100 kilomètres de là à vol d'oiseau, ainsi que toute sa
famille pour une vie meilleure loin de ces cabanes en tôles de Saint-Marc et
ses plantations, avant de partir quelques années plus tard, en France
métropolitaine pour ses études. Edwige se montrait toujours gentille, toujours
prête à rendre service, à accueillir les gens les bras grands ouverts. Elle venait
de plus en plus souvent rendre visite et ne manquait pas à chaque fois,
d'amener de la friandise pour les enfants. Pour toutes ces bonnes choses, les
enfants se sentaient en confiance et ne juraient que par elle si bien, qu'ils la
surnommaient MARRAINE. À une certaine époque, dans un village comme
celui-ci où la misère ne faisait aucune exception, on évoquait le nom de la
marraine comme celle qui aimait la marmaille, en leur distribuant des petites
gâteries et des cadeaux et aussi beaucoup de friandises, faisant la joie de tous
les bambins. Quelques mois à peine avaient suffit, pour que la maman de
Dionel soit convaincue de la bonne foi de sa soi-disant amie Edwige, pour
laisser partir son fis aîné de cinq ans, avec cette dernière qui était aussi sa
véritable marraine, pour la ville de Port au Prince.
"J'avais 5 ans (en me montrant une main) poursuivait Dionel, lorsque j'avais
laissé ma maman pour venir vivre avec elle. Elle avait promis qu'elle me
traiterait bien, qu'elle m'enverrait à l'école, que je deviendrai un homme
instruit. À peine arrivé ici à Port-au Prince, au moment même où je
m'apprêtais à poser les pieds dans la cour, tous mes rêves s'étaient écroulés.
Elle m'avait tout de suite fait comprendre que chez elle, je n'étais personne,
que j'étais le fils d'une chienne, un moins que rien, donc aussi je pouvais me
considérer comme son petit chien qui n'a pas de nom. C'est pour cette raison
qu'elle m'appelle " Ti gason " -"Ta mère savait-elle que tu subissais tout cela"?
(Toujours traduit par mon amie). "Non disait-il, je ne l'ai jamais revue depuis
ce jour-là". -"Tu aimerais la revoir un jour"? "Oui, me répondait-il de la tête.
Je lui avais aussi demandé s'il pouvait bien me raconter son quotidien depuis
son arrivée dans cette grande maison. Il me regardait tristement puis
commençait son effroyable histoire. "Tous les jours, même le jour de l'église
(le dimanche), elle me réveillait à 4 heures, je passais le balai partout, ensuite
le torchon mouillé (la serpillère), je faisais la vaisselle, je nettoyais partout, s'il
y avait des linges je les lavais; ma marraine me tapais si je ne lavais pas bien
ses vêtements et ses culottes qui avaient des traces rouges (du sang de la
période de ses menstruations). Ensuite, je préparais le petit déjeuner pour tout
le monde et j'attendais. Quand ils passaient à table, je devais apporter de l'eau
pour leur laver les mains. Pendant ce temps-là, je balayais la cour, j'arrosais les
plantes, les fleurs. Et dès qu'ils avaient terminé le petit déjeuner, je devais
débarrasser la table. Et à nouveau, je lavais la vaisselle et s'il en restait, je
mangeais les miettes. Après, je préparais la viande et les légumes pour que
marraine puisse faire à manger. Quand le repas était prêt, je mettais de
nouveau la table, apporter de l'eau pour laver les mains de tout le monde et
attendre qu'ils aient terminé pour pouvoir manger ce qui reste. Refaire de
nouveau la vaisselle, après je devais voir s'il y avait encore d'autres vêtements
à laver ou à repasser. Même quand arrive le soir, je devais être toujours sur
mes gardes, car marraine (pour rappel Edwige c'est sa marraine) pouvait
m'appeler à n'importe quel moment de la nuit. J'avais du mal à contenir cette
rage en moi. J'avais mis les mains derrière la nuque, je grimaçais et serrais les
dents en martelant le sol avec mes pieds, pour faire évacuer toute cette douleur
qui me brûlait de l'intérieur. Je n'imaginais pas un monde aussi sale,
méprisable, ignoble, abject . Ces choses-là m'étaient complètement étrangères.
Je ne me rappelais pas une fois où j'avais mis la radio ou la télé sur les infos.
Ces choses-là ne m'intéressaient guère, pour ne pas dire sans aucune
importance....."
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